Raymond Avocat, avocat au barreau de Versailles

Clauses abusives : Savoir les reconnaître pour les éviter

Entrée dans le droit français en 1978, la notion de clause abusive est aujourd’hui bien ancrée dans le paysage juridique. Il n’empêche. La pratique montre que les clauses abusives continuent de fleurir dans les contrats de consommation. Ainsi, ces dernières années, ont été pointés du doigt, les contrats de téléphonie, de fourniture d’énergie, d’assurance et autres contrats d’abonnement dans une salle de sport. Toutefois, il serait faux de croire que les clauses abusives ne sont que le lot des contrats-types des géants de la téléphonie ou de l’assurance. En effet, celles-ci se logent également dans les conditions générales de commerçants et artisans « du coin de la rue », le plus souvent par méconnaissance plutôt que par réelle envie de nuire au consommateur. Pour autant, le risque de sanction reste le même sans évoquer les éventuelles répercussions réputationnelles. Dans ce contexte, l’enjeu est simple : savoir reconnaître les clauses abusives pour les éviter et les supprimer de ses documents contractuels.

1. Qu’est-ce qu’une clause abusive au sens du droit de la consommation ?

Aux termes de l’article L. 212-1 du Code de la consommation :

« Sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »

Précisons de suite que, sous réserve d’une rédaction claire et compréhensible, l’appréciation du caractère abusif d’une clause ne porte pas sur :

  • La définition de l’objet principal du contrat ;
  • L’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert.

Certaines clauses sont donc « immunisées » de la qualification d’abusive parce qu’elles portent sur l’objet principal du contrat ou le prix. Ainsi, prix excessif ne signifie pas clause abusive.

2. Quel est le champ d’application des règles sur les clauses abusives ?

La réglementation relative aux clauses abusives s’applique aux contrats ainsi qu’à tous documents contractuels conclus entre :

  • Un professionnel et un consommateur (Article L. 212-1 du Code de la consommation);
  • Un professionnel et un non-professionnel (Article L. 212-2 du Code de la consommation).

Son champ d’application est particulièrement large puisqu’elle s’applique sans considération pour :

  • La nature du contrat (: Vente, location, prestation de services) ;
  • La nature des produits ou des services proposés par le professionnel (: Achats de meubles, d’ebooks ou souscription d’un abonnement dans une salle de sport) ;
  • La forme ou le support du contrat (: Conditions générales, bon de commande, devis).

3. Existe-t-il une liste des clauses abusives ?

Le Code de la consommation ne fournit pas, à proprement parler, une liste avec des exemples concrets de clauses abusives. En revanche, il fournit la description de typologies de clauses qui, par leur objet ou leur effet, sont abusives. Elles sont réparties en deux catégories :

  • La typologie des clauses abusives dites « noires ». Il s’agit de clauses qui sont toujours considérées comme abusives étant donné leur objet ou leur effet. Interdites, elles sont listées à l’article R. 212-1 du Code de la consommation.

 

Ex. : Les clauses ayant pour objet de supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l’une quelconque de ses obligations.

  • La typologie des clauses abusives dites « grises ». Il s’agit de clauses qui sont présumées abusives étant donné leur objet ou leur jusqu’à preuve du contraire rapportée par le professionnel. Sous « très haute surveillance » et à manier avec une réelle précaution, elles sont listées à l’article R. 212-2 du Code de la consommation.

 

Ex. : Les clauses ayant pour objet ou pour effet de soumettre la résolution ou la résiliation du contrat à des conditions ou modalités plus rigoureuses pour le consommateur que pour le professionnel.

Par ailleurs, la Commission des clauses abusives émet des recommandations et des avis relatifs aux clauses abusives insérées dans les modèles de contrats habituellement proposés par les professionnels aux consommateurs et aux non-professionnels. Certes non-contraignants, ces avis et recommandations n’en demeurent pas moins des outils de référence lorsqu’il s’agit d’identifier ou d’apprécier le caractère abusif d’une clause. Leur consultation n’a donc rien d’accessoire pour un rédacteur de documents contractuels à l’attention de consommateurs.

4. Quels éléments doivent susciter la vigilance du rédacteur ?

En tant que rédacteur, en l’absence de « clausier » formel de clauses abusives, outre la ligne directrice formée par les articles R. 212-1 et R. 212-2 du Code de la consommation, il est des indices qui doivent alerter le rédacteur de documents à l’attention d’un consommateur lorsqu’il prend la plume. Il s’agit d’indicateurs de la mise en place d’une asymétrie qui porte en elle le germe d’un éventuel déséquilibre significatif en faveur du professionnel.

Par exemple :

  • Le caractère prérédigé et non négociable du document proposé au consommateur ;
  • L’absence de réciprocité ;
  • L’octroi d’un pouvoir unilatéral au professionnel.

Schématiquement, il faut évaluer chaque clause selon :

  • Sa réciprocité : Est-ce que la clause accorde des droits équivalents aux deux parties ?
  • Sa compréhensibilité : Est-ce que la clause est rédigée dans un langage simple, accessible au consommateur moyen ?
  • Ses effets :  Est-ce que la clause tente d’écarter ou de limiter un droit que la loi accorde obligatoirement au consommateur (ex. : garantie légale, droit de rétractation, recours en justice) ?

Ce petit test de la « triple interrogation » est assez simple à réaliser et peut éviter quelques mauvaises surprises car les sanctions ne sont pas anodines pour les professionnels qui n’y prendraient pas garde.   

5. Quelles sont les sanctions en cas de clause abusives ?

En matière de clauses abusives, les sanctions sont de deux ordres :

  • Civiles (Articles L 241-1 et L. 241-1-1 du Code de la consommation);
  • Administratives (Articles L241-2 à L241-2-1 du Code de la consommation).

Sur le plan civil, la clause qui est jugée comme étant abusive doit être réputée non-écrite. Cela signifie qu’elle ne produit aucun effet et, conséquemment, qu’elle n’est pas opposable au consommateur. Le reste du contrat demeure inchangé et applicable sous réserve qu’il puisse subsister sans les clauses réputées non-écrites.

Le juge civil peut également ordonner :

  • Des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
  • Une amende civile, lorsque le professionnel continue d’utiliser des clauses déjà jugées abusives dans des contrats identiques ;
  • La publication, diffusion, affichage ou insertion de la décision (ou d’un extrait) dans des supports déterminés, y compris dans le rapport de gestion de la société.

Quant aux associations de consommateurs agrées, elles peuvent agir devant la juridiction civile pour demander la suppression d’une clause illicite ou abusive dans tout contrat ou type de contrat proposé ou destiné au consommateur ou dans tout contrat en cours d’exécution (Article L. 621-7 du Code de la consommation).

Elles peuvent également demander au juge de déclarer que cette clause est réputée non écrite dans tous les contrats identiques conclus par le même professionnel avec des consommateurs, et de lui ordonner d’en informer à ses frais les consommateurs concernés par tous moyens appropriés (Article L. 621-8 du Code de la consommation).

Sur le plan des sanctions administratives, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) peut enjoindre à un professionnel de supprimer les clauses abusives de ses documents contractuels et/ou prononcer une amende administrative d’un montant de 15 000 euros pour une personne physique et de 75 000 euros pour une personne morale en présence de clauses abusives dites « noires ».

Les professionnels doivent être conscients que leurs documents contractuels sont sous « haute » surveillance. La vigilance s’impose.

Recommandations

  1. A titre préventif :
    • Auditez régulièrement vos documents contractuels ;
    • Faites de la veille en consultant régulièrement le site de la Commission des clauses abusives.
 
  1. Avant de rédiger un document :
    • Identifiez le destinataire du document pour définir le cadre dans lequel vous vous inscrivez : un professionnel ; un non-professionnel ou un consommateur ;
    • Relisez les listes de types de clauses dites « noires » et « grises » du Code de la consommation ;
    • Vérifiez les recommandations sectorielles de la Commission des clauses abusives.
 
  1. Après la rédaction :
    • Relisez-vous et évaluez chaque clause au regard de :
      • L’équilibre qu’elle instaure ;
      • Sa clarté ;
      • Ses effets sur les droits du client.
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